A Silent Voice (ou Koe no katachi) est un manga de Yoshitoki OIMA, prépublié dans le magazine Weekly shonen Magazine de l’éditeur Kodansha en 2013 et 2014. Une adaptation en film d’animation est sortie en 2016, le film est de très bonne qualité. le film étant de très bonne qualité. Je vous recommande ce manga, qui est divertissant et très bien fait, notamment grâce aux différents niveaux de lecture. Je vais vous en présenter l’un deux : le rapport à la surdité.
I-Synopsis :
Shoya Ishida, jeune élève de primaire, habitant à Ōgaki dans la préfecture de Gifu, combat l’ennui aux jeux insensés qui lui viennent à l’esprit. Un jour, Shoko Nishimiya rejoint sa classe d’école primaire et essaie de s’y faire une place, mais cette dernière est atteinte de surdité, ce qui cause quelques soucis à ses camarades ; en réaction, Shoya de s’occuper en profitant des faiblesses de celle-ci en se moquant. Mais tout cet amusement se retournera contre lui.
Une fois lycéen, Shoya, qui décide de revoir une dernière fois Shoko pour s’excuser, va finalement se rapprocher d’elle à travers la langue des signes.
II-La scène de bagarre, une étape déterminante
« Si t’as quelque chose à dire, dis-le ! Y’en a marre de ces grimaces. Ben, vas-y parle ! […] Qu’est-ce que tu racontes, je ne pige rien » dit Shoya ISHIDA à Shoko NISHIMIYA quelques jours après l’arrivée de Shoko.
On voit dans cette scène que l’impossibilité de communiquer « normalement » provoque chez Shoya de l’incompréhension et il en vient aux mains, s’ensuit une scène de bagarre entre les deux personnages. La scène est éclairante pour plusieurs raisons :
La première est que l’on voit là deux paroles qui ne peuvent s’écouter : l’une est orale, l’autre visuelle (la langue des signes). Si Shoko a la capacité de parler oralement, cette dernière formule des mots de balbutiement, difficilement compréhensible en raison de son handicap. En effet, comment produire du son lorsque ce son nous est étranger ?
Deuxième point, l’on assiste à une scène belliqueuse entre les personnages. La frustration qu’éprouve Shoya le pousse à recourir à la violence, seul langage universel peut-être, le langage du corps. Le spectateur voit que Shoya est intrigué par Shoko et souhaite lui adresser la parole (sa parole) ; mais il est peiné de ne pas avoir de conversations avec Shoko. De cette frustration naît la violence chez Shoya. Suite à ce dialogue épineux, Shoko et sa mère déménagent.
La perspective de Shoya est, bien souvent, la nôtre lorsque nous nous retrouvons face à une personne en situation de handicap. Lorsque nous sommes face à l’inconnu, cet inconnu nous intrigue et nous souhaitons en comprendre ce lieu qui ne nous est pas familier. Un peu comme l’on souhaite parler à cette personne qui a l’air si cool au loin : son attitude nous intrigue.
Je me souviens de ma première rencontre avec mon cousin atteint d’autisme, je devais avoir neuf ou dix ans (c’est dire le choc de la rencontre !). Mon père m’avait prévenu que mon cousin était autiste en disant quelque chose se rapprochant de : « s’il ne veut pas te parler, laisse-le. Il a une maladie ». Même étant averti, l’envie de parler ne manquait pas, surtout qu’il aimait bien jouer aux jeux-vidéos, comme moi à cet âge. Ça n’a pas loupé, la communication était presque impossible puisqu’il voulait être seul. Je n’ai pas forcé et j’suis retourné avec les grandes personnes discutant de choses de grandes personnes ; la frustration était grande.
En outre, le choix de l’auteure de prendre Shoya comme personnage principal plutôt que Shoko est un choix plutôt singulier. La problématique de l’œuvre n’est pas « comment vivre avec un handicap ? » (perspective de Shoko) mais plutôt « comment vivre avec quelqu’un en situation de handicap et l’accepter ? ». Ici, le handicap est la surdité.
III-Une question de perspective
Choisir la perspective Shoya plutôt que celle de Shoko est, selon moi, un choix fécond pour plusieurs raisons :
Selon moi, lorsque l’on traite de handicap, l’enjeu est surtout de savoir comment les considérer véritablement, comment les rendre visible dans l’imaginaire collectif puisque ces personnes sont presque totalement invisibilisées. L’horizon est de faire-monde.
La focale, selon moi, doit se centrer sur nouer des liens. Il s’agit, par exemple, d’émailler l’espace public d’outils qui soient adapter aux personnes handicapées, de construire davantage d’établissements adaptés à ces profils de personnes. Bien souvent, les personnes en situation de handicap savent déjà comment vivre (handicap de naissance) ou apprennent à vivre (handicap faisant suite à un accident ou une maladie). Prendre la perspective de Shoko aurait eu donc moins d’impact..
Toute la seconde partie du manga (et du film) se passe lorsque Shoya revoit Shoko au lycée, une fois qu’ils sont « grands ». Le spectateur voit que la rencontre avec Shoko a été édifiante pour Shoya. Il s’est rendu compte qu’il a été violent et tyrannique envers une personne en position de faiblesse en classe de primaire. D’ailleurs, son comportement a été dénoncé par ses camarades de classe : il s’est retrouvé seul une grande partie de sa scolarité. Shoya pense même à se suicider alors qu’il est lycéen !
A la raison que voilà s’ajoute celle que voici : la métamorphose de Shoya ou comment l’agresseur renoue des liens avec l’agressé.
« Est-ce que je devrais retourner voir Nishimiya ? Elle m’a dit qu’elle aimait bien donner du pain aux carpes. En même temps, je ne sais pas, de quel droit j’irai la déranger de nouveau ? Je pourrais au moins lui demander pardon de l’avoir fait pleurer. Il me semble qu’elle donne à manger aux carpes tous les mardis ».
Toute la seconde partie du manga (et du film) se passe lorsque Shoya revoit Shoko au lycée, une fois qu’ils sont « grands ». Le spectateur voit que la rencontre avec Shoko a été édifiante pour Shoya. Il s’est rendu compte qu’il a été violent et tyrannique envers une personne en position de faiblesse en classe de primaire. D’ailleurs, son comportement a été dénoncé par ses camarades de classe : il s’est retrouvé seul une grande partie de sa scolarité. Shoya pense même à se suicider alors qu’il est lycéen !
Lorsqu’il découvre que Shoko est dans le même établissement que lui : il veut être son ami et réparer ce qu’il lui a fait dans le passé.
« Est-ce que je devrais retrouver voir NISHIMIYA ? Elle m’a dit qu’elle aimait bien donner du pain aux carpes. En même temps, je ne sais pas, de quel droit j’irai la déranger de nouveau ? Je pourrais au moins lui demander pardon de l’avoir fait pleurer. Il me semble qu’elle donne à manger aux carpes tous les mardis ».
La préoccupation de Shoya est de renouer du lien avec Shoko, il se demande comment s’y prendre.
On assiste véritablement à une métamorphose : l’agresseur devient allergique à l’injustice, Shoya aide même un camarade de classe qu’il ne connaît pas à se sortir d’une agression. Shoya apprend même la langue des signes pour communiquer avec Shoko.
IV-Conclusion
Enfin bref, lisez A silent voice ou regarder l’adaptation, c’est divertissant et très bien fait : il y a plusieurs niveaux de lectures. Je n’ai pas développé ici mais le thème de l’amitié et du suicide sont très présents également dans l’œuvre. Une œuvre qui peut plaire aux enfants comme à leurs parents. Alors foncez !
Jérome Javelot