Les victorieuses, de Lætitia Colombani

Article écrit dans le cadre de la Women’s Rights Week d’emlyon business school

Photo : © Céline Nieszawer

Les victorieuses met à l’honneur des portraits croisés de femmes à leur place et épanouies. Lætitia Colombani croise les destins de deux femmes à deux époques différentes.

Peut-on parler des femmes avec joie ?!

Le roman s’ouvre sur une scène qui ne présage rien de bon augure – et donne limite envie de refermer le bouquin parce qu’on s’attend à une psychologie de bas niveau sur le sens de la vie des femmes aujourd’hui.. Cet épisode qui donne envie de refermer le livre, c’est le burn out de Solène, brillante avocate à Paris, qui vit pour sa carrière, afin de remonter la pente suite à un chagrin d’amour et rendre fiers ses parents. Elle fait un burn-out suite au suicide d’un de ces clients dans le Palais de Justice, juste après que le tribunal l’ait condamné. 

Mais alors, pourquoi est-ce que j’ai malgré tout continué la lecture de ce livre ? Parce que Lætitia Colombani ne nous parle pas du pourquoi du comment Solène en est arrivé à faire un burn-out. Lætitia Colombani nous propose simplement un portrait de femme, brillante, qui avance avec ses hauts et ses bas (qu’il faut cacher à son entourage, ses collègues). Une femme avec ses forces, mais aussi ses faiblesses qu’il faut assumer.

Des destins croisés

L’autre destin que Lætitia Colombani nous propose, c’est celui de Blanche Peyron, figure de proue de l’Armée du Salut, au tournant du vingtième siècle. Avec son mari, elle s’est battue pour offrir un toit décent à toutes les femmes à la rue. Elle est à l’origine de l’aménagement du Palais de la Femme à  Paris. 

Lætitia Colombani sort de l’oubli Blanche Peyron, figure oubliée de l’histoire de l’engagement social qui a sorti de la misère des centaines de femmes. L’auteure est passée un jour devant le Palais de la Femme et a commencé à s’intéresser à l’histoire de ce bâtiment, elle y a recueilli des témoignages et rencontré des bénévoles. Son regard sur la précarité a changé. Blanche Peyron est une femme qui s’est battue pour que d’autres femmes aient un toit. Soutenue par son époux Albin, cette femme forte et indépendante a consacré sa vie aux démunies et donné du sens au mot “engagement”. En 1925, elle a réussi à réunir les fonds nécessaires pour acheter le grand hôtel de la rue de Charonne afin de loger des femmes issues de la précarité : elle a ouvert les portes du Palais de la Femme. 

Solène, la femme de notre époque, rompt donc avec ses ambitions de brillante carrière d’avocate. Sur les conseils de médecins, elle cherche une association auprès de laquelle s’investir, afin de redonner du sens à sa vie après son burn-out. Aucune des propositions de missions associatives n’est susceptible de plaire à Solène, brillante et surqualifiée pour le monde associatif. Pourtant, elle accepte une “mission d’écrivain public” au Palais de la Femme – et voici le miroir. Cette mission fait renaître dans son esprit ses rêves d’enfant : écrire, écrire et être publiée.

Pourtant, Solène déchante en arrivant au Palais de la Femme. Les missions qui lui sont confiées n’ont aucun sens à ses yeux : des réclamations pour des non-payés, des lettres d’amour, et une bonne floppée d’enveloppes de papiers administratifs…

Solène n’est pas là pour ça. Tout comme elle n’est pas là pour faire de la zumba le jeudi soir avec les femmes du Palais. 

Elle est là pour aller mieux. Ces femmes qui viennent de la misère ne l’aident pas à aller mieux : elles sont toutes marginales pour des raisons différentes, elles ont connu des maltraitances, des exclusions, des itinérances et des exils…

Miroirs croisés : une ode à la sororité

Solène et Blanche sont deux facettes d’une même femme : une femme en quête de sens. Toutes deux sortent de leur zone de confort – Blanche par conviction et Solène par besoin ; toutes deux se confrontent à la précarité et à la misère la plus touchante et la plus terrible. 

Les trajectoires de Blanche Peyron et de Solène ont presque cent ans d’écart, mais l’odeur de la précarité des femmes est la même. Un vaste terreau cinématographique, imprégné de féminité, habite ce Palais, et enveloppe ce livre d’une douce humanité.

Juliette Tolstoï

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