Courte biographie
Milan Kundera est né en 1929 en Moravie dans une famille d’artistes où la musique tient une place importante. Ses premières publications au début des années 1950 sont des recueils de poésie politique à tendance marxiste. En 1967, il se fait connaître avec La Plaisanterie suivi en 1968 par Risibles amours, dénonçant le totalitarisme soviétique qui étrangle la Tchécoslovaquie après le Printemps de Prague. En 1975, Milan Kundera s’exile en France et reçoit la nationalité française en 1981 alors que son pays natal censure ses œuvres. Il publie en 1984 son roman le plus célèbre, L’Insoutenable légèreté de l’être. A partir des années 1990, Milan Kundera écrit désormais directement en français, comme c’est le cas pour La Lenteur (1995). En 2011, il est publié de son vivant dans la Bibliothèque de La Pléiade.
Un auteur aux deux nationalités
Milan Kundera commence par écrire en tchèque, sur la réalité tchèque et d’un point de vue tchèque. Ainsi, ses premiers livres sont des recueils de poésie communiste comme le premier de sa bibliographie, L’Homme, ce vaste jardin, ou encore Le Dernier Mai, hommage à un résistant communiste contre les nazis.
Cependant, le temps passe et en 1968, la Tchécoslovaquie est envahie par les soviétiques et les artistes et les médias perdent leur liberté d’expression. Kundera commence alors à écrire des livres dénonçant le totalitarisme communiste, ce qui lui vaut d’être finalement exclu du parti. Dans La vie est ailleurs, il se confronte à son passé de communiste, sa place en tant qu’artiste et il s’en libère. Ce livre, publié en France en 73, recevra le prix Médicis étranger.
En 1975, Kundera et sa femme décident de s’exiler en France, se sentant trop oppressés par le régime au pouvoir en Tchécoslovaquie. D’abord enseignant à l’université de Rennes, il s’installe ensuite à Paris et enseigne à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Il obtient la nationalité française en 1981, et commence alors à écrire en français et à traduire ses propres œuvres : cela lui permet d’avoir 2 textes « originaux » pour ses livres en tchèque : le texte tchèque, et le texte français. En mars 2011, son Œuvre entre au catalogue de la Bibliothèque de la Pléiade ; il rejoint ainsi la liste des très rares auteurs à être publiés de leur vivant dans la prestigieuse collection des éditions Gallimard.
Ainsi, Milan Kundera est un homme aux deux nationalités, aux deux langues, qui vont permettre d’ailleurs également de comprendre son évolution en politique : d’abord communiste convaincu, il commence petit-à-petit sa désillusion quant au parti soviétique ; son exil vers la France montre une rupture dans ses convictions. En France, il découvre une nouvelle liberté, un nouvelle langue qu’il apprécie au point de ne plus écrire qu’avec elle et elle seule, et peut porter un autre regard sur la Tchécoslovaquie, celui d’un Français.
Il retrouve la citoyenneté de la République tchèque en novembre 2019 : la boucle est bouclée pourrait-on dire…
Un auteur fondamentalement européen
Analyste de son propre travail, mais surtout réfléchissant sur le roman européen (en particulier chez Rabelais et chez Kafka), mais aussi sur la musique, Milan Kundera signe plusieurs écrits théoriques comme L’Art du roman, Les Testaments trahis (prix Jérusalem en 1985, prix Aujourd’hui en 1993), Le Rideau ou Une rencontre. Kundera a été beaucoup influencé par ce qu’il appelle « le grand roman d’Europe Centrale ».
Ecrivain tchèque, francophone, puis français, c’est un exemple parfait du cosmopolitisme européen, voire mitteleuropéen. Toutes ces facettes résident, vivent et vibrent, simultanément, dans ses romans : « cette essence précieuse de l’esprit européen est déposée comme dans une boîte d’argent dans l’histoire du roman, dans la sagesse du roman ».
Pour nous occidentaux, qui connaissons mal l’Europe centrale en réalité, Kundera nous paraît une des grandes voix de cette Europe centrale : un écrivain, un intellectuel qui a donné pour nous, à cette partie de l’Europe une sorte de conscience d’elle-même, de sa différence et de son lien avec l’Europe de l’Ouest. Pour nous, la Tchécoslovaquie, la Pologne, etc., ça a été longtemps l’Europe de l’Est. Or Kundera nous oblige à changer notre perception, à imaginer les choses autrement et à récuser cette division purement politique entre l’Est et l’Ouest, comme un révélateur.
Claire