Sol Invictus

Alexandre Evrad – 2nd du concours d’écriture #1 Les Folles Fictions

Comme l’impose la tradition, nous nous sommes rassemblés aux portes de Sisteron avant le coucher du soleil. Je dois dire que me retrouver avec tous ces soiffards, au crépuscule, ne m’a guère enchanté au premier abord, surtout par les temps qui courent. Mais le prince Gobanicno fait peu de cas des risques qu’il encoure, surtout quand il choisit de s’entourer de ses ambactes pour fêter Yule. Et évidemment, il fallait que je sois de la partie. Dans le cercle des héros de mon maître, tout homme est tenu de se rincer le gosier avec la meilleure cervoise du pays et de se repaître jusqu’à satiété. Non pas que cela me déplaise, mais la vigilance que je me force à maintenir estompe quelque peu mes envies. Néanmoins, je décide de profiter des réjouissances du cercle, au moins pour un temps.  Des heures s’écoulent pendant lesquelles j’essaie de noyer mes doutes dans l’euphorie du moment, l’alcool et les jeux. Pourtant, tout en levant ma corne à boire pour célébrer la renaissance du soleil, je ne peux m’empêcher de porter le regard vers les murs de Sisteron. Dans les ombres projetées par la nuit et les feux de camp, dans le tumulte enivré qui m’enveloppe, j’ai l’impression fugace de voir la cité s’effondrer. 

« Arrête de rêvasser, Cetillos, me tance Gobanicno. Et profite de la fête ! » 
Voyant certainement la moue irritée que je lui lance, il s’écrie : 
« Bon sang, tu ne vas pas recommencer avec ça ! Je t’ai déjà dit qu’il n’y avait aucun risque, et tu peux me faire confiance. Ce n’est pas une fête comme celle-ci qui va nous attirer leurs foudres. 
     – C’est pas ce que m’a raconté Geromaise. » 
Le prince part aussitôt d’un rire sec. 
« Ce druide n’avait plus toute sa tête, mon grand ! Ne me dis pas que tu crois encore aux chansons que piaulait ce vieil hibou ? Ça fait plus d’un an qu’il bouffe les pissenlits par la racine, alors cesse de me prendre la tête avec ça. (Il évacue la discussion d’un revers de la main). On a des choses plus importantes à faire en ce moment, comme manger ! » 
L’arrivée des plats et des viandes fait effectivement taire toutes les discussions. Un frémissement parcourt le cercle lorsque les pages apportent les premiers mets au prince. Évidemment, ce que les héros lorgnent est avant tout motivé par l’excitation guerrière qui précède le repas. À peine Gobanicno a-t-il été servi, Galos se lève. Il pénètre dans le cercle en jetant des regards provocateurs à l’assemblée. Cette montagne de muscles n’est effectivement pas n’importe qui. Également compagnon d’armes de Gobanicno, j’ai eu l’occasion de le voir à l’œuvre lors de nos expéditions à la droite du monde. Il a davantage fait voler les têtes que n’importe lequel des héros voconces, et sa réputation n’est clairement plus à faire. 

Arrivé devant le foyer, il plonge son couteau dans le chaudron où ont mijoté les meilleurs morceaux. Piquée sur sa lame, il en ressort une belle pièce de bœuf, et il claironne : 
« Ça, c’est pour moi ! »

Il jette autour de lui un regard noir qui, s’il ne venait pas de lui, aurait été parfaitement ridicule. Mais sa carrure est si monumentale, sa renommée si solidement ancrée dans les esprits qu’il reste intimidant pour la majeure partie d’entre nous. 

Sa proclamation soulève néanmoins un tohu-bohu d’acclamation, de rire et de railleries. Mais les plaisantins se gardent bien d’aller le provoquer. En réalité, le défi semble venir des plus silencieux. Sans un mot, Calibanos le séquane se redresse et avance d’un pas. Le chahut général gagne aussitôt en intensité. On encourage le champion séquane et on incite les deux guerriers à se faire face. Tandis que leurs regards se croisent, le cercle grossit de guerriers de toutes parts qui viennent assister au spectacle, faisant trembler le sol de leurs pieds impatients. 

Mon compagnon d’armes fixe son adversaire d’un œil inquisiteur, roule des épaules, lui adresse un sourire crâne. Mais Calibanos reste sûr de lui, et présente même le flanc gauche à Galos, signe de son irrévérence. 
« Ce morceau est à moi, peste le héros séquane. Tu n’as aucune chance de me battre. » 
Une poussée d’encouragement tonne dans le cercle. 
« Rassis-toi, peigne-cul, fanfaronne le géant. Ou je te brise les os. 
     – C’est toi qui devrait te rasseoir, tu risques de t’évanouir sous toute cette graisse. Y a plus à manger sur toi que sur deux bœufs réunis. » 

Parmi les huées et les rires qui fusent dans tous les sens, les deux guerriers se rapprochent, l’air mauvais. Ils n’ont pas d’armes, mais les grosses pognes qu’ils tendent devant eux auraient de quoi en effrayer plus d’un.  

Malgré ses railleries, je vois bien que Calibanos n’a pas totalement tort. Galos est certes puissant mais beaucoup plus lent que son adversaire qui, lui, a l’avantage de la jeunesse et de la vivacité. Je ne jurerais pourtant pas sur une victoire du Séquane. Après tout, mon compagnon de route a déjà rabattu le caquet à bon nombre de héros qui se prétendaient plus vifs. 

Tandis que je laisse mes tracas s’évader pour profiter du moment, Gobanicno remplit ma corne de vin à l’aide d’une magnifique œnochoé en bronze.  
« Je sens qu’on va s’amuser », ricane-t-il bizarrement. 

Son intonation est étrange, comme s’il se forçait à rire. Cela fait maintenant plus de cinq ans que je suis au service du prince, et j’ai rarement vu ses traits afficher une telle confusion. Peutêtre s’inquiète-t-il pour son meilleur soldat ? Peut-être sait-il quelque-chose qui m’échappe ? Je pourrais certainement insister, mais avec le vacarme qui commence à nous assaillir, je préfère remettre ça à plus tard. 

Pendant un moment, les deux guerriers se jaugent, roulent des épaules, se tournent autour en bombant le torse. Ils se crachent à la figure tous leurs titres de gloire et le nom des héros qu’ils ont tué. Mais à ce petit jeu, le séquane n’a pas grande chance de l’emporter. Galos a bien quinze années de plus que lui, et autant d’ennemis éviscérés que tout le cercle des héros réunis. Les mains sur les hanches, il se targue de ne plus savoir quoi faire de toutes les têtes qu’il a fauchées ; il raconte combien son nom fait frémir les villes alentour, tant sa notoriété imprègne les esprits. 

Puisque Calibanos ne peut l’emporter par la renommée, il cesse de barguigner et se rue sur le colosse. Il cherche à le déséquilibrer d’une charge de l’épaule, mais Galos est bien trop lourd. À peine perturbé, le géant attrape le guerrier séquane dans ses énormes bras, le ceinture fermement et tente de l’écraser sur son torse. Après une rixe incertaine, comme Calibanos essaie de lui démolir les parties à coups de poings vicieux, Galos le catapulte avec une puissance prodigieuse. Bien que son adversaire soit loin d’être chétif, il n’en fait pas moins un vol plané qui le projette aux pieds des spectateurs. Mais d’un coup de rein, celui-ci se remet aussitôt sur ses appuis. 

Ce premier pugilat provoque des acclamations animales dans le cercle. Tandis qu’on les pousse à davantage de spectacle, les deux champions se dévisagent méchamment. Ils soufflent comme des bœufs, tordent des rictus mauvais ; maintenant que toute la foule de guerriers les regarde et les ovationne, l’un d’entre eux doit mordre la poussière. 

Alors, d’une rage réciproque, ils foncent derechef l’un contre l’autre ; ils se rentrent dedans comme des buffles, ils se cognent, s’empoignent férocement ; ils tremblent comme des chiens de guerre, l’injure et la bave aux lèvres. Des claques à tuer un cheval les ébranlent à peine ; leurs charges bourrues se neutralisent et n’aboutissent qu’à des grimaces crispées. 

Tout autour, les guerriers se lèvent et acclament désormais leurs champions sans aucune vergogne. Des restes de pain se mettent même à voler dans tous les sens, pendant que les pages tentent de s’esquiver entre les bourrades et les projectiles. 

La transe communicative des spectateurs m’emporte soudainement, et je me mets à crier à mon tour, encourageant Galos et insultant de bon cœur son adversaire. Même Gobanicno, pourtant si tempéré en temps normal, se lève d’un bond et brandit sa corne à boire dans un élan de jurons et de giclées de vin. Paradoxalement, cette réaction ardente du prince refroidit ma propre excitation guerrière. Je ne l’ai jamais vu prendre autant à cœur un combat de ce genre. Plus les minutes s’écoulent, et plus j’ai l’amère sensation que cette rixe n’est pas qu’une question de morceau de viande. 

Comme exalté par la violente ferveur qui l’entoure, Galos se tortille, se défait de la prise de son adversaire et lui assène un puissant crochet qui l’envoie épouser l’herbe et la terre trempée. 
« Je perds mon temps, ça va refroidir », se gausse le géant en humant la marmite. 

Et tandis que Calibanos se remet difficilement sur ses deux pieds, le colosse voconce se saisit du couvercle encore chaud et le tend devant lui comme un bouclier. D’un mouvement brusque, il vient le cogner brutalement sur le crâne du séquane. 

Cette tournure inattendue provoque des réactions incendiaires. Une partie du cercle se met à huer le colosse, tandis que l’autre moitié, ragaillardie par la boisson, pousse des ovations féroces. Mais Calibanos, lui, ne tient plus debout. Un filet de sang poisse sa tempe et son oreille droite, et malgré le soutien de mains salvatrices, il s’effondre comme un sac. Ses compagnons le retirent aussitôt du cercle des guerriers pour vérifier son état. Quant à Galos, il se pavane comme un coq au milieu des guerriers, invectivant et provocant ses détracteurs. 

Mais plus personne ne viendra lui disputer le morceau du héros. 

Maintenant que la joute est finie, l’excitation me quitte peu à peu, et mes tourments reviennent m’assaillir aussi sûrement qu’une putain impayée. Peu avant que le service ne commence, je me retire du cercle pour prendre l’air quelques instants. Gobanicno, qui me voit quitter les réjouissances, m’interpelle d’un ton narquois : 
« Où vas-tu Cetillos ? Tu ne comptes quand même pas nous priver de ta morne compagnie ? 
     – T’inquiète pas pour ça, répondé-je en courbant ridiculement l’échine. Une fois que ma vessie sera vide, je me ferai un plaisir d’égayer la soirée. Mais avant que j’y aille, dis-moi, ce combat n’était pas qu’une affaire de viande, n’est-ce pas ? »

L’espace d’un instant, l’ombre d’une mélancolie atténue les traits de mon maître. Mais je n’ai pas le loisir de bavasser plus longtemps : les héros du cercle s’empressent d’entourer le prince pour trinquer à sa santé. Sans plus chercher à comprendre, je me retourne vers le bois qui jouxte le vallon. La marche est rafraîchissante, les herbes hautes caressent mes mollets de leurs brins mouillés de rosée. Ce petit moment de solitude me laisse le temps de me recentrer sur moi-même, d’inspirer l’air frais du soir. Et en une petite minute de marche seulement, je trouve un arbre parfait pour relâcher ma vessie. Tandis que l’urine crépite sur le tapis de feuilles mortes, je lève la tête vers le ciel dans un soupir de soulagement. Entre la plénitude de la voûte étoilée qui me fait face et le vacarme de la fête qui palpite dans mon dos, j’ai l’impression de me retrouver à la frontière de deux mondes. De regagner une sérénité perdue depuis longtemps, comme si mes doutes étaient restés derrière-moi, prisonniers du cercle des héros.

Malheureusement, cette subtile sensation de flottement n’est que passagère. 

À peine le temps de remonter mes braies qu’un léger froissement attire mon attention. Comme un frottement de tissu non loin de l’orée du bois. Par précaution, et parce que la méfiance ne m’a toujours pas quitté, je tire doucement ma lame de son fourreau. Je tente quelques pas malgré l’obscurité qui règne en maître sous les frondaisons. Juste en face de moi, je crois distinguer une ombre assise sur une souche. 
« Qui êtes-vous ? grondé-je, l’épée en évidence. 
      – Viens donc t’asseoir Cetillos, répond une voix profonde. Ce serait dommage de gâcher une si belle nuit. 
     – Comment est-ce que vous connaissez mon nom, et bordel, qu’est-ce que vous faites ici ? » 

Maintenant que ma vue s’est accoutumée à la pénombre, je discerne le crâne défraîchi d’un vieil homme. Son corps efflanqué est drapé dans une tunique de lin aux couleurs sobres. Un petit objet, noyé dans la nuit, semble pendre sur son torse. Tout en relevant la tête, il m’adresse un sourire détendu. 
« Qui je suis n’a pas d’importance, finit-il par dire. Et range-moi donc cette lame, je ne crois pas que tu ais grand-chose à craindre d’un vieillard. 
      – Je préfère la garder. » 
Un petit rire sec résonne sous les frondaisons. 
« Décidément, la violence semble être une seconde nature chez vous autres. Pourtant, jeune soldure, tu devras faire tes preuves autrement que par la force.  
      – Si c’est la cité éternelle qui vous envoie, donnez-moi une bonne raison de ne pas vous décapiter sur le champ. 
      – Vous n’avez que ce mot à la bouche : cité éternelle. Ton peuple n’a jamais eu besoin de la cité éternelle pour se mettre plus bas que terre. Alors si tu veux me tuer, rien ne t’en empêche. Vas-y » déclare-t-il en écartant les bras.  

Tout cela me paraît beaucoup trop facile, quelque-chose ne tourne pas rond. Pressentant une embuscade, je jette un œil acéré aux alentours. Je prête attention au moindre friselis ; mon regard se perd dans les buissons de poix, dans les ombres fugaces des ramures ; ma main resserre sa prise sur la poignée de l’épée. 
« Tu comptes me tuer comme tu l’as fait avec tes prisonniers, Cetillos ? reprend le vioque. Tu crois qu’éliminer tout ce qui est différent te libérera de tes chaînes ? Ce soir, tu as une chance de te rattraper, et il convient de la saisir.
     – Je ne comprends rien à ton charabia, vieux débris. Contente-toi de me dire d’où tu viens et ce que tu cherches. » 

Le vieil homme lâche un vague soupir et se met à tripoter l’objet qui orne son torse. Dans le clair-obscur, j’ai du mal à discerner ses gestes et son visage, et je commence sérieusement à perdre patience. Sentant certainement mon agacement, l’homme me répond d’une voix plus sérieuse. 
« Je ne pense pas qu’on m’ait menti à ton sujet. Tout comme je pense que votre fête, ce soir, n’a rien d’anodin. C’est d’ailleurs pour ça que je suis là. (Il lève la tête vers la coupole de ciel qui se détache dans la canopée). C’est une nuit sacrée, et les tiens lui rendent hommage d’une bien étrange manière. Mais toi, Cetillos, que penses-tu de cette fête ? 
      – Vous connaissez déjà la réponse. 
     – Moi oui ; mais toi, connais-tu ta propre réponse ? À ton avis, si tu ne levais pas ta corne comme tous les autres pour cette célébration impie, serais-tu plus sage ou plus fou qu’eux ? Serais-tu plus puissant ou plus faible ? Serais-tu meilleur ou pire ? 
     – Tu m’embrouilles. Je t’ai dit de cracher le morceau, je ne le répéterai pas. 
    – Je ne t’accorderai pas tout de suite ce que tu me demandes, me dit-il calmement, mais ce n’est pas bien grave, car ce que tu réclames n’est pas ce dont tu as besoin. Or je vais t’offrir les prémisses de ce besoin. » 

En temps normal, les impudents de son genre passent au fil de ma lame sans la moindre hésitation. Je tranche leurs têtes et les expose sur ma clôture en guise de trophées. Mais sans que j’en comprenne l’origine, cet homme-là dégage une aura envoûtante, et ses propos me sont étrangement familiers. Je ne pense pas avoir déjà croisé la route de ce vieillard ; pourtant, ses paroles vibrent dans chacune des cordes de mon âme comme une mélodie ancienne. 

« Tu sais, Cetillos, votre société n’est qu’un mensonge perpétuel. La droite du monde, comme vous l’appelez, n’est peuplée que de misère et de mort. Quant à la gauche, elle s’étend à l’infini sans offrir le moindre espoir de conquête. Ce dont tu as besoin, c’est de la vérité. Nous en avons tous besoin, et pour cela, il nous faut des bases solides. Les miens ont déjà trouvé la voie, certains des vôtres aussi, d’ailleurs. Il ne reste plus qu’à parer ce chemin de lumière des plus beaux joyaux que l’homme ait jamais créé : l’espoir, la foi, et surtout, la fête. » finit-il en arborant un sourire éclatant.  

Un craquement sourd casse soudainement le silence derrière moi. Je fais volte-face, l’arme au poing, prêt à en découdre. Mais ce qui me fait face est loin d’être menaçant. Sous la lumière de la Lune, les traits de Gobanicno et de Balos tissent des sourires tristes. 

« Je vois que vous avez fait connaissance, dit doucement le prince. Est-il au courant ? 
      – Cela ne devrait pas trop tarder, répond le vieil homme. 
      – Bon sang, mais c’est quoi ce bordel, Gobanicno ? » éclaté-je.  

Balos semble tout aussi perdu que moi, il affiche la moue dépitée de celui qui vient d’apprendre une terrible nouvelle. Quant à mon maître, il paraît embarrassé : il gratte machinalement sa barbe en fuyant mon regard. Mais après quelques instants, ses yeux inquisiteurs retrouvent leur éclat.  

« Je me dois de préserver notre royaume de l’annihilation pure et simple, lâche-t-il. Je n’avais pas d’autre choix que d’accepter leurs conditions. Tu m’as déjà montré plusieurs fois ta valeur, et j’ai besoin de tes services. C’est pourquoi j’ai décidé de t’épargner, Cetillos. ConcernantBalos, j’ai fait ce que j’ai pu pour le sauver. Sa liberté ne pouvait être acquise qu’avec une victoire contre le séquane, et grâce à son talent, il a réussi. 
     – Tout à fait, appuie le vieillard. Malheureusement, tous ceux qui refusent de voir la vérité divine se doivent au moins de la ressentir, elle doit les brûler jusqu’au plus profond de leur âme pour les libérer. » 

Il se lève difficilement et tente quelques pas dans la lumière. Un rictus sardonique déforme son visage lorsqu’il pointe son index vers la plaine. Pris d’angoisse, je jette un regard affolé derrière moi : des soldats enragés sortent en masse des sous-bois ; des brasiers commencent à naître un peu partout devant les remparts de Sistéron ; des cris de douleurs, des hurlements de terreurs déchirent la plaine et les chairs. Et au centre du cercle des héros, des légionnaires hissent une énorme croix dans les airs comme une verge de bois. Sous leur action infernale, la structure prend soudainement feu, comme tous ceux qui s’y trouvent ligotés. Un vertige effroyable m’accable soudainement : mes doutes étaient avérés, et Gobanicno était au courant. 

« Votre fête n’est pourtant pas si mauvaise, reprend le vieillard. Ses fondements sont louables, bien que chimériques ; je suis certain que l’Empereur Constantin saura la glorifier. Après tout, votre renaissance du soleil n’est rien d’autre qu’une perversion de la lumière de Bethléem. (Il embrasse le désastre d’un geste ample et ancre son regard dans le mien). Le voilà ton véritable besoin, Cetillos. Une fête qui célébrera la naissance de notre Seigneur Jésus Christ ; un jour de grâce qui te remettra sur le chemin de la vérité » 

Et tandis qu’il laissait ses dernières paroles flotter au-dessus du carnage, il passa encore une fois les doigts sur l’artefact qui ornait son torse. Ployées entre son index et son pouce, deux feuilles de gui chatoyaient sous l’aura des flammes.

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