Martin Roqueplo
Comme un morceau de cire entre mes mains elle est. Et je lui puis donner la forme qui me plaît. – Monsieur de Molière
Le mardi 22 avril 1XXX
Aujourd’hui, Nathalie a enfin ouvert les yeux. Je ne me rappelais pas très bien de la couleur de ceux de son modèle, alors je les ai peints en bleu. Je trouvais que cela lui allait bien.
Il n’y a pas plus merveilleux moment que ce dernier coup de pinceau. Je l’ai regardée tout entière. Elle était magnifique. Je me suis perdu dans certains détails, ceux qui avaient requis le plus d’attention de ma part ; et j’en suis venu à croire que je préférais la copie à l’original.
Si elle s’était ainsi présentée à moi tantôt, je lui aurais parlé. Dans cette rue bondée, au milieu de cette foule inculte, eût-elle été aussi parfaite, j’aurais bravé tous les tourments pour un seul de ses sourires. Enfin, je crois.
Désormais je peux la revoir quand bon me semble. Elle restera éternellement figée dans une grâce inaltérable.
Je me suis apprêté à la transporter jusque dans son nouveau monde.
Mais je suis demeuré interdit, me demandant où elle pouvait bien aller.
La placer à côté de frère Thomas ? Non, il l’ennuierait à toujours discourir de Dieu, à vouloir racheter son âme. J’ai plutôt pensé qu’elle ne serait en bonne compagnie qu’à côté d’invités moins rustres, plus élégants. Je l’imaginais parfaitement se mêlant aux salons littéraires. Elle serait bien mieux aux côtés de Charles et Stéphane. D’ailleurs Roxane s’y trouvait déjà, elles s’entendraient sans doute à merveille.
Je l’ai donc prise dans mes bras, avec la plus infinie précaution, pour l’emmener dans le grand salon du manoir.
Après avoir fait les présentations, j’ai laissé mes invités découvrir la nouvelle venue et je suis retourné dans mon atelier.
Je me suis plongé dans le dessin. Je veux, dans ce nouveau projet, donner toute les vertus, et la beauté, à l’homme que j’exècre le plus au monde. Chaque coup de fusain a été une épreuve. Il faut, tout en gardant la ressemblance avec le modèle, en faire sortir toutes les qualités qui auraient dû être siennes mais qu’il a négligées.
Peu avant le dîner, l’esquisse était prête.
Il me faudra demain vérifier mes réserves de cire.
Le vendredi 2 mai 1XXX
Les garnements de nos jours n’ont aucun respect pour l’art. J’aurais beau m’isoler en plein milieu du Sahara, il y en aurait toujours un pour se faufiler dans mon atelier et saccager mon œuvre.
Je ne saurais pas retranscrire dans ce journal toute l’horreur qu’a été la découverte que j’ai faite ce matin.
Alors que j’errais dans les différentes pièces, veillant au confort des invités, corrigeant parfois leur agencement, j’ai observé un détail étrange.
Au premier abord ce n’était rien. Un invité était placé différemment que dans mon souvenir. J’ai cru à une erreur et je me suis approché pour lui donner la posture que j’estimais être la meilleure.
Je me suis placé face à elle. Un visage vide me blessa les yeux.
Le reste de la silhouette était toujours parfait. Mais là où devait se trouver le regard perçant d’Oscar, se trouvait désormais un masque lisse, qui avait quelque chose de terrifiant.
On eût dit un fantôme, une âme damnée : on lui aurait arraché le visage, châtiment divin pour ses forfaits.
Là où se tenaient autrefois tant de détails que j’avais minutieusement ciselés pendant de longues heures, il n’y avait rien d’autre que la blancheur. La froideur de la face contrastait avec la passion de l’attitude.
Oscar perdait, en même temps que son masque, toute son éloquence et toute sa vigueur.
Je me suis approché pour tenter de distinguer un quelconque indice. Je suis pourtant demeuré perplexe. Je ne saurais dire si le faciès avait fondu, ou s’il avait été découpé avec une extrême précision. En fait, il s’était tout simplement évaporé.
Le samedi 3 mai 1XXX
La nuit a été difficile. Les images d’un ange sans visage m’ont assailli pour m’empêcher de trouver le sommeil. Elles me tourmentaient sans fin, et je ne parvenais pas à fixer sur la tête lisse les traits qui ont un jour été ceux d’Oscar.
Il me faut organiser la protection de mon œuvre. Je ne sais guère ce qu’il s’est passé. Je suis habitué à ce que l’on gâche mon travail. Mais jamais de cette façon.
Personne n’avait jamais osé s’en prendre physiquement à mes œuvres. Les milieux artistiques parisiens sont bien plus subtils que cela. Les critiques ont toujours massacré mon projet, faute de pouvoir le comprendre. La destruction médiatique, je la connaissais. Mais là tout est différent, et je me retrouve désemparé.
Les questions fusaient violemment dans mon esprit. Je les ai chassées et me suis attaqué au problème de la manière la plus pragmatique possible.
Le tour de la maison n’a rien donné, pas de trace particulière d’effraction, pas le moindre signe d’une présence extérieure. J’ai pourtant été minutieux dans mes observations. Pas une fenêtre, pas une porte n’a été oubliée. Elles ont toutes subi la plus rigoureuse des analyses.
Ce mystère est proprement insoluble.
J’ai donc décidé de mettre en place des mesures simples. Je passerai désormais toutes les deux heures dans chaque pièce. Je m’assurerai, avant le coucher, que toutes les entrées du manoir sont bien closes.
Dans ce monde figé, l’horloge devient la seule anima. Son battement régulier rythme ma vie avec la précision d’un métronome.
Je ne peux guère faire plus.
Ma prochaine œuvre sera si belle, si splendide qu’elle comblera le vide que laisse cette sombre disparition.
Je me suis remis au travail. Mes mains ont repris leur ouvrage sacré, volant au dessus de la cire au son des cristallines notes du pendule.
Le mercredi 7 mai 1XXX
Je me suis levé à sept heures précises.
Je me suis dirigé vers l’atelier, mon travail avançait merveilleusement bien. Les plans pour la préparation du corps en résine étaient finalisés et les traits du visage sur mon esquisse correspondaient enfin à mes attentes.
Un coup du pendule. Il était neuf heures trente, l’instant précis de ma première ronde.
J’arrivais dans la quatrième pièce quand quelque chose m’a surpris.
C’était l’attitude du gamin.
C’est idiot, je l’ai voulu ainsi et tout son être est sorti de la ferveur de mes doigts et de la détermination de mon esprit.
Mais ce matin, il y avait quelque chose de perturbant, un mélange d’à-propos et de terreur.
Le petit Vadrouille se tenait là, les yeux écarquillés comme au premier jour où je l’avais croisé dans Paris. La terreur marquait son masque. Sa main se portait à son oreille droite, dont le lobe était sectionné, comme pour se protéger d’un hurlement sourd.
J’ai suivi la ligne de ses yeux.
Pendant un instant, son effroi fut communicatif et je devais me tenir dans une posture similaire. Rien de moins n’était envisageable face à un tel spectacle.
Un autre de mes invités avait perdu son visage. C’était la veuve Maria. Sa tête était toujours courbée vers le sol, les mains portées aux front. Mais c’était une douleur sans larmes, il n’y avait plus d’yeux d’où elles pouvaient couler. Sa tristesse avait avalé jusqu’à son apparence, et ne demeurait plus que le blanc laiteux de la cire.
Deux morts déjà. Deux horribles tributs prélevés.
L’heure n’était plus à la simple vigilance.
Tout mon être fut alors saisi de mouvements erratiques. Il fallait à tout prix intercepter le coupable.
Je me suis rué vers la cuisine, j’ai récupéré le pot de farine et j’en ai dispersé devant chaque entrée, au pied de chaque porte, devant chaque fenêtre.
Le soir venu, j’ai fermé la totalité de la demeure à clefs.
Je me coucherai ce soir toujours angoissé et je ne pense pas m’endormir avant de nombreuses heures.
Le jeudi 8 mai 1XXX
Rien. Il ne s’est rien passé aujourd’hui.
Cela ne calme pas ma souffrance, bien au contraire, cela attise le feu de mon inquiétude.
Comme un possédé en furie, j’ai couru dans toutes les pièces dès le réveil. Rien n’avait bougé, aucune autre barbarie. Ils m’ont observé toute la matinée durant.
Quel triste spectacle pour mes invités de voir ainsi leur hôte s’en aller et revenir sans cesse dans chacune des pièces. Je lisais l’inquiétude et l’incompréhension chez eux. Ils devaient sans doute penser que j’avais perdu la raison. Je faisais les cents pas et chaque fois que je passais devant les deux victimes je m’arrêtais un instant et les larmes revenaient. J’adressais des prières inaudibles. Je ne comprenais rien.
Je ne supporte plus les regards mutilés de mes invités. Ils me rappellent trop que ce ne sont en réalité que des statues de cire qui habitent mes journées. J’ai dessiné rapidement des visages, et je les ai fixé en lieu de ces atrocités lisses et sans expression. Mais je ne sais pas si c’était une bonne idée.
L’après midi, je suis retourné travailler sans la moindre conviction, tout mon corps était devenu un automate. Mes mouvements étaient réglés comme étaient ajustés les coups de la pendule. Mes mains s’affairaient mais mon esprit était ailleurs. Mon esprit était en deuil. Mon esprit était brisé.
Le lundi 12 mai 1XXX
Il n’y a que le bruit de l’horloge qui m’a tiré de ma torpeur.
Ce matin, j’ai immédiatement su qu’un drame s’était produit. Ce muet pressentiment m’obsédait, et c’est à peine si j’ai eu le courage de quitter mon couchage.
En descendant l’escalier principal, j’ai vu que la porte était entrouverte. J’y ai couru. Aucune trace n’était venue bouleverser la large bande de farine. Pourtant, je n’avais pas besoin d’aller vérifier les pièces. Je savais qu’un autre visage avait été englouti par la froideur de la cire. Et je suis resté là, au sol, crispé pendant des heures.
Quand l’horloge m’a tiré de cette agonie, c’était comme si toute la force qui m’avait alors fait défaut, ressurgissait dans une gigantesque vague d’adrénaline.
J’ai commencé par ce qui me révulsait le plus : je suis allé vérifier laquelle de mes œuvres avait été torturée.
Évidemment, c’était la statue d’Alice. Qui d’autre ?
Je suis sûr qu’elle l’a fait exprès. Elle l’a voulu, elle, contrairement aux autres. C’est sa façon de prolonger les insultes qu’elle m’avait adressées. Elle doit se réjouir de s’être ainsi évanouie de mon exposition, elle qui « ne tolérait pas d’être représentée par un artiste médiocre ». Les mots durs qu’elle m’avait assénés m’ont suivi.
J’ai aujourd’hui tenté ma dernière défense. J’ai déplacé toutes mes statues dans la salle à manger. Elle n’a qu’une porte et pas de fenêtre, ce doit être la pièce la plus facile à isoler du monde. J’ai récupéré les verrous les plus solides que j’ai pu trouver, j’ai cadenassé la porte de telle façon que le Christ lui même ne pourrait la franchir.
Le mardi 13 mai 1XXX
Je me suis levé bien tardivement avec une sourde inquiétude.
Il m’a fallu quelques longues minutes pour identifier l’origine de cette gêne. Quand la vérité se révéla, ce fut comme une douche froide.
Malheureux ! Imbécile que je fais ! J’avais oublié de remonter l’horloge.
J’écris ces lignes sur le petit secrétaire devant la pendule frappée d’immobilisme.
Je vis désormais dans un bien étrange univers, le temps a disparu. Il n’y a plus de matière que la cire et la résine.
Je lutte sans arme contre un ennemi que je ne connais pas. Je n’ai plus de repère. Je n’ai comme défense que quelques traces de farine et de maigres verrous.
Aucune statue n’a été défigurée aujourd’hui.
Bien maigre consolation.
Pleurez, tant que vos yeux le peuvent, je ne peux plus vous défendre !
Le 17 ou 18 mai 1XXX
Même mon décompte des jours devient incertain. Bien sûr, la lumière m’aiguille encore. Mais ainsi privé de mon métronome, de trop longue phases de veille précèdent de trop longs sommeils et je ne suis plus bien sûr que mes yeux endoloris parviennent à parfaitement suivre l’écoulement des journées.
Aujourd’hui encore, un drame s’est produit.
Nulle trace d’effraction.
La terrible impression que la menace ne vient pas de l’extérieur me cisaille le cœur.
Quand j’ai découvert le forfait, un verrou a explosé en moi. Je me suis mis à hurler :
« Parle-moi, Vadrouille. Qui a fait ça ? Tu l’as vu toi. Tu peux encore le voir. On ne t’a pas volé tes yeux, dis-moi, dis-moi qui a fait ça ! »
Mais le visage du gamin demeurait figé. Il refusait de me répondre, ou bien il avait peur. J’ai tout essayé, j’ai tenté de le secouer, de lui promettre monts et merveilles, de l’assurer de sa protection s’il me révélait l’identité du scélérat. Je ne m’explique pas son mutisme obstiné.
Tous les autres ont réagi comme lui.
Ne comprennent-ils donc pas qu’à se taire ainsi, ils sont condamnés ?
Les Démasqués seront bientôt les plus nombreux.
Ils se tiennent devant moi avec dédain. Toute leur attitude juge avec sévérité la laideur de mes traits. Eux, avec leur face pure, ils se croient au-dessus des autres, ils jubilent à l’idée d’instaurer leur règne. Ils moquent ma prétention.
C’est la revanche de la perfection sur le maladroit créateur.
Mais je ne les laisserai pas faire, je vais m’enfermer avec eux et je mettrai fin à la peste qui se répand dans mon manoir, quoi qu’il en coûte.
J’ai déplacé mes quartiers. J’ai avec moi mes esquisses, mes carnets, mes outils. Et je ne dormirai pas sans avoir mis fin à cette hérésie.
Jour incertain, mai 1XXX
J’ai rêvé, pour la première fois depuis longtemps. Après avoir veillé pendant un nombre de jours que je ne saurais estimer, puisque j’avais tout cloisonné même les volets, le songe le plus atroce s’est saisi de moi.
Dans mes volutes oniriques, je voyais les Démasqués se placer en cercle, leurs pensées volant en paroles absconses dans un vocable inconnu de l’homme. Ou plutôt dans un faisceau de mots dans des langages multiples, éloignés les uns des autres par des civilisations entières et qui, ainsi réunis, formaient une nouvelle langue aux tonalités envoûtantes.
C’était un ordre qu’ils chantaient.
Cette déclamation impérieuse contraignait deux de mes œuvres récalcitrantes à les rejoindre dans le cercle. La force de leurs esprits pliait leurs volontés et les victimes elles-mêmes chantaient avec leurs bourreaux, d’abord de leurs lèvres, mais la mélopée était trop forte, trop puissante pour être soumise à la matière et les mots eux mêmes faisaient fondre le visage, le rendant pareil aux autres.Je me suis éveillé en sursaut.
J’ai pleuré en constatant que deux nouveaux Démasqués étaient apparus.
Le corps et l’âme en miettes j’ai marché vers mon ouvrage.
Alors m’est venue une idée atroce.
Je ne leur donnerai pas la satisfaction de me prendre tous mes rejetons. Jamais, je ne peux succomber ainsi et pourtant je ne peux plus protéger ni mes fils ni mes filles. Alors j’ai commis un acte sublime et contre-nature.
Le regard fixé sur mes invincibles et orgueilleux ennemis, j’ai donné naissance à un Démasqué, de ma propre volition.
Il n’a pas versé de larmes à la naissance. Je l’ai pris dans mes bras, et je l’ai amené à mes opposants. Même quand je leur ai remis, j’étais emprunt d’un air d’affront et je jubilais du dégoût de leur attitude. Je me délectais de leur déception de ne pas avoir pu le prendre.
Jour incertain, 1XXX
Il ne reste que Vadrouille.
Bientôt il n’y aura plus que des Démasqués. Alors, résigné, je me suis placé devant le gamin aux cheveux ébouriffés et nous avons passé la journée ensemble.
Nous avons joué aux dés. Je savais bien qu’il trichait, mais je ne lui en voulais pas.
C’étaient probablement les derniers instants que nous passions ensembles. Je ne lui tiens pas rigueur de ne pas m’avoir révélé tout ce qu’il savait, cela n’aurait probablement fait qu’accroître mon désespoir.
Il était heureux, il paraissait si insouciant. Bientôt il rejoindra le nombre des Démasqués. Mais il n’avait pas l’air de s’en douter.
J’ai tout fait pour qu’il ne le soupçonne pas. Nous jouions, nous parlions. J’ai même cru voir un moment un sourire s’esquisser sur ses lèvres de cire.
Pourtant, même si le temps a disparu, la fatigue m’avait gagné et je savais que la fin se rapprochait.
J’ai tenu tant que j’ai pu, mais, quand j’ai senti que je n’avais plus de force, j’ai pris Vadrouille dans mes bras et je l’ai ramené au milieu des Démasqués.
J’ai posé mon front sur le sien et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, elles ont coulé sur son visage immuable, et un instant elles ont paru être les siennes.
Jour incertain
Je ne les quitte plus. Comment le pourrais-je ?
J’écris ses lignes assis à même le sol, au milieu de leur farandole sans expression. Ils me regardent tous écrire. Je perçois de l’interrogation dans leurs masques unis. Ils s’étonnent tous de l’atroce maladie qui vient briser l’harmonie de mon visage en y ajoutant toutes ces étranges excroissances.
Ils s’interrogent sur le mouvement de ces bizarres globes de verres colorés si maladroitement apparus au-dessus de lignes de poils désordonnées.
Ils se questionnent sur les mauvais traitements que l’on a dû m’infliger enfant pour que ma chair s’amalgame en une si curieuse bosse au milieu de ma face.
Ils se demandent quel couteau divin a bien pu me cisailler au-dessus du menton.
Ils doivent me penser animal pour avoir une capillarité qui s’étend jusqu’aux mâchoires.
Je suis empli d’un bien amer sentiment. Je ne sais plus quoi penser de moi-même. La bête au milieu de tous ces êtres raffinés.
Il n’y a plus de cire.
Il n’y a donc à jamais plus qu’eux et moi.
Je ralentis ma respiration et mes mouvements. Il n’y a désormais plus que ma main droite qui se déplace pour tracer ces lignes. Chaque lettre est une seconde de plus avant la fixité totale.
Pas un souffle de vie ne hante la vaste demeure, pas un mécanisme, pas un coup de vent. La totalité du manoir est une immense peinture qui sèche. Sur un coin de la toile, quelques gouttes tombent encore harmonieusement sur la représentation d’un carnet, achevant ce texte.
Quand j’aurai noirci cette page, mon bras s’arrêtera et l’œuvre sera complète.
Un être décharné, accroupi, le dos voûté, le masque difforme se tiendra à jamais immobile au dessus de quelques feuilles éparses. Tous ses enfants l’entoureront.
Quel rituel étrange se déroule, pourquoi tous ces gens ont ainsi porté leur attention sur cet animal ignoble au centre du cercle ?
À ce moment là, tout sera achevé. Il n’y aura plus que nous. Splendides, à jamais figés dans l’éternité. Une foule sans visage. Et moi, résigné, le dernier masque de ce musée sans âme.