Bande-dessinée
Si pour vous Buck Danny est le summum de ce qui existe en termes d’associations aviation/ bande-dessinée, il est urgent que vous courriez chez votre libraire ou votre spécialiste en bandes-dessinées préféré, car Dent d’ours va vous époustoufler.
L’histoire commence avec trois enfants blonds, nés en Silésie dans l’entre-deux guerre : Max, Werner et Hanna, tous trois passionnés d’aviation. Max et Werner se ressemblent comme deux gouttes d’eau et sont tous les deux un peu amoureux d’Hanna. Les trois enfants se jureront une amitié éternelle et porteront chacun une dent d’ours en pendentif en souvenir de ce serment.
Un seul souci : Nazis accèdent au pouvoir en Allemagne. En Silésie, ce sont les Jeunesses Hitlériennes qui proposent des initiations à l’aéronautique. Werner et Hanna rejoignent donc leurs rangs, pendant que Max, qui est juif, est de plus en plus persécuté. Le jour où Max décide de fuir avec son père, il se fait assassiner par un membre des Jeunesses Hitlériennes. Werner, qui a tué l’agresseur de son ami en essayant de le protéger, finit par fuir aux Etats-Unis en se faisant passer pour Max.
Alors que la seconde guerre mondiale est déclarée, Hanna devient pilote d’élite dans la Luftwaffe tandis que Werner rejoint l’aviation américaine sous le nom de Max. Les deux anciens amis se retrouvent face à face sur terre et dans le ciel.
Yann et Henriet nous livrent l’histoire extraordinaire de ces trois personnages en six tomes tous aussi beaux les uns que les autres. Le scénario alterne entre l’enfance des héros et leur implication dans la guerre, jusqu’à la défaite des nazis en 1945. Il nous offre ainsi un point de vue nouveau sur la période sanglante de national-socialisme. Les personnages sont tout en nuance, ni vraiment bons, ni vraiment mauvais, quel que soit leur camp. Ils nous rappellent qu’une guerre n’est jamais manichéenne et que même les membres de parti nazi avaient des motivations humaines.
Non content de servir l’histoire avec brio, le dessin va au-delà de la simple illustration. Les traits sont précis, détaillés et plein d’émotions, ils montrent sans détours l’horreur aussi bien que la beauté. La mise en couleur par Usagi crée une ambiance tantôt nostalgique, tantôt triste, tantôt joyeuse, tantôt violente. Le tout donne un dessin absolument magnifique tout au long de la série, et qui atteint l’apogée du sublime quand il illustre en pleine page des paysages et des avions en plein vol.
L’histoire que je partage avec Dent d’ours s’étale sur quatre ou cinq ans. J’avais découvert le tome 2 en m’abonnant au magazine de Spirou (où sont publiées la plupart des nouveautés Dupuis). La première chose qui m’a marquée à l’époque a été la beauté du dessin. Je ne comprenais pas toute l’histoire parce que je n’avais pas lu le tome 1, mais j’ai accroché immédiatement.
Hanna a toujours été mon personnage préféré. Elle est belle (je rêve d’avoir sa coupe de cheveux), jeune et idéaliste, mais également extrêmement talentueuse. Elle apprend à piloter, devient la première femme Flugkapitän dans l’armée allemande, reçoit les distinctions militaires les plus prestigieuses, et pour réussir, elle a dû prouver qu’elle était meilleure que tous ses camarades masculins, chose peu aisée dans une Allemagne où la femme doit se concentrer sur « Kinder, Küche, Kirche » (les enfants, la cuisine, l’Eglise). Eh oui, je suis tombée amoureuse d’une Nazi convaincue. Parce que, sans cacher les horreurs perpétrées par le IIIe Reich, Yann et Henriet nous montre l’humanité chez Hanna, qui vénère le pays dans lequel elle a grandi, aime passionnément le pays qui lui a permis de voler et finit par pleurer la perte de ses illusions d’enfant quand l’Allemagne perd la guerre.
Le tome 6 est sorti en septembre 2018, finissant en beauté la série et me faisant prendre conscience pour la première fois depuis que j’ai commencé à lire Dent d’ours qu’une grande partie des personnages ont réellement existé. Je me suis donc retrouvée devant mon ordinateur, alors que je venais à peine de refermer l’album. J’ai tapé « Hanna Reitsch » dans google. Hanna Reitsch a bien existé, et son palmarès est plutôt impressionnant. Si elle était née du « bon » côté de la guerre, elle serait probablement considérée comme une héroïne. Finalement, la plus grande leçon de Dent d’ours, c’est peut-être ça : il y a du bon chez les mauvais et du mauvais chez les bons.
- Coup de cœur 1 : Les dessins.
- Coups de cœur 2 : La coupe de cheveux de Hanna.
- Coup de cœur 3 : Henriet qui m’a fait un magnifique dessin de Hanna dans un de mes tomes.
- Coup de cœur 4 : Non, mais vraiment, les dessins !