Essai – Analyse
“Quoi? Un bouquin sur Kaamelott? Mais c’est juste une série humoristique, qu’est ce qu’il y a à dire là-dessus ?”
Alors détrompe-toi, petit innocent. Kaamelott est loin d’être “juste une série humoristique” avec des personnages débiles et des répliques tellement connues qu’elles ont gavé tout le monde. Kaamelott est une série qui a été reconnue par la critique pour la réinterprétation moderne qu’elle apporte au mythe de la quête du Graal et pour tous les sujets sérieux qu’elle aborde, sous ses airs de petite sœur de Caméra Café. Nicolas Truffinet ne manque pas de le souligner, et risque d’apprendre beaucoup de choses à ceux qui connaissent la série de nom, ou qui l’apprécient simplement pour son humour. Il qualifie Kaamelott de “quête du savoir” pour de nombreuses raisons : on cherche le Graal sans savoir où il est, bien sûr, mais d’autres angles d’interprétation très habiles sont décrits avec une justesse assez impressionnante. Pour faire simple et ne pas trop divulgâcher (ce mot a beaucoup plus de style que spoiler), on peut résumer deux interprétations faites par Truffinet.
La première part de l’étude des personnages (qui, soit dit en passant, est très bien réalisée et plutôt précise), et permet de constater que le seul personnage à détenir le savoir, c’est Arthur. Les autres gravitent autour de lui, plus ou moins consciemment, pour se le voir transmettre par lui. C’est le principe de son idéal qui veut apporter la lumière à tous : loin d’être seulement divine et d’être incarnée par le Graal, il s’agit aussi d’une élévation intellectuelle pour tous.
La seconde est plus “méta”. Truffinet constate que la construction de la série est une ascension vers une connaissance de plus en plus fine d’elle-même. Les premiers livres, les plus comiques, sont balbutiants, et ne construisent pas vraiment d’intrigue. C’est à partir du livre IV que Kaamelott grandit et se développe, comme si elle avait pris conscience de son propre potentiel. Elle aussi, cherche une forme de savoir.
D’ailleurs, pourquoi Kaamelott est formée de saisons appelées “livres”? N’y aurait-il pas un symbole de connaissance là-dedans? Peut-être bien que le spectateur réalise lui aussi une quête de savoir, en regardant cette série, puisqu’il en apprend sur une époque bien peu connue et souvent perçue négativement par la critique historique, qui est celle du passage entre l’Antiquité et le Haut Moyen-Âge, avec la chute de la Rome occidentale. Truffinet consacre tout un chapitre délectable à cette approche historique, où se mêlent voix d’historiens et dialogues kaamelottiens.
Un livre que je conseille à tous les curieux qui auraient raté les colloques universitaires et qui voudraient découvrir la profondeur du travail d’Astier sans trop se prendre la tête avec des analyses incompréhensibles. Les fans invétérés peuvent le lire aussi, mais en apprendront peut-être un peu moins, car ce livre rassemble de nombreuses théories assez connues, qui restent cependant un très bon moyen d’apprendre à connaître la série sous un angle nouveau.
Attention cependant à la plume de Truffinet, qui écrit lui aussi en tant que fan invétéré des oeuvres d’Astier et ne s’en cache que très peu : l’analyse objective peut de temps à autres devenir un simple jugement d’opinion sur la qualité de tel ou tel choix d’acteur ou scénaristique… C’est dommage, mais on pardonne : Astier est une personne vraiment fascinante.